Elu de l’arrondissement, ancien professeur de lettres, j’ai lu le livre. Ces exigences sont sordides, cupides et liberticides. Il n’y a rien dans le texte de Lalie Walker qui les étaye, de quelque manière que ce soit. Ce n’est ni un roman à clef, ni un pamphlet, ni un essai . Aucun rapport avec la réalité, sinon l’endroit, connu de tous les Parisiens. Aux malheurs des dames est une fiction criminelle, ni plus ni moins. Des dizaines d’autres paraissent toutes les semaines. S’il est désormais interdit aux écrivains de citer un nom de lieu, une enseigne, un monument, un produit, c’est un pan entier de la littérature mondiale qui risque de disparaître. En guise de conseil, je voudrais dire aux jeunes écrivains qu’ils prennent des risques. La moindre mention négative dans un texte qui n’est pas un poème fantaisiste ou une saga de science-fiction peut coûter cher.
Sauf écoeurante surprise, la justice devrait laisser Lalie Walker et Parigramme en paix. Malheureusement, la tendance à la censure qui les renvoie aujourd’hui au tribunal s’accentue depuis plusieurs années. Le dernier roman paru de Régis Jauffret, Sévère, a connu quant à lui un parcours du combattant éditorial tout à fait singulier. S’inspirant de l’affaire Stern, il a effrayé le conseil juridique de Gallimard, puis celui de Flammarion avant d’être finalement publié par Le Seuil – la censure devenant autocensure. Dans le même ordre d’idées, craignant les foudres d’un procureur de la République, Frédéric Beigbeder et Grasset avaient nettoyé plusieurs pages du futur prix Renaudot 2009, Un Roman français.
Le silence du Ministre de la Culture, est assourdissant. A croire ses déclarations d’intentions l’année dernière, il devait se battre pour les artistes et les créateurs. On sait depuis la fameuse affaire qui a opposé Marie NDiaye à Eric Raoult que sa combativité varie. Il est vrai que les écrivains ne font pas qu’écrire des livres, parfois ils parlent – et cela, c’est insupportable. Lalie Walker n’a rien dit contre la politique de Nicolas Sarkozy, pourtant. A moins que Frédéric Mitterrand ne soit, lui aussi, choqué, comme les propriétaires du Marché Saint-Pierre, par cette phrase de l’un de ses personnages : « les patrons, tous des salauds ! »… Mieux vaut défendre Orelsan quand il chante « Sale Pute ! ». On voit bien où est l’injure, où est la liberté de l’artiste.
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