Dans le Parisien de ce matin, le maire du 18e arrondissement, Daniel Vaillant relance le débat de la dépénalisation, voire de la légalisation du cannabis. Pour le connaître un petit peu, je sais que c’est chez lui un sujet qui revient souvent, une préoccupation sincère. Autrement dit, il ne s’agit pas en ce qui le concerne de faire la promotion du cannabis. Pour autant, je ne partage pas son avis.
Il est évident que la politique actuelle en ce qui concerne le cannabis n’est pas adaptée à la nouvelle donne des consommations et des trafics. L’option exclusivement répressive choisie depuis de nombreuses années est à la fois contre-productive et inefficace. Aujourd’hui, les jeunes consomment de plus en plus, c’est un fait et un phénomène de société. L’affaire n’est plus seulement une affaire de police – d’ailleurs cette dernière n’y arrive pas alors qu’elle y consacre 10 % de son temps et de son travail.
Néanmoins, choisir de dépénaliser, voire de légaliser le cannabis est très risqué, j’en suis convaincu. Aujourd’hui, cela reviendrait à donner l’impression de baisser les bras, et surtout, cela confirmerait beaucoup de jeunes dans l’idée que le cannabis est sans danger, voire qu’il ne s’agit pas d’une drogue. On a raison de dire que le cannabis est moins dangereux pour la santé (tout dépend de la consommation) que le tabac ou l’alcool. Il faudrait peut-être le crier moins fort, en revanche, parce qu’en quelques années, les jeunes ont très bien appris la leçon.
En l’occurrence, je parle d’expérience. Quand j’étais professeur, j’ai souvent eu à gérer des adolescents qui arrivaient en cours passablement défoncés. Evidemment, ils passaient le plus clair de l’heure à dormir. Pas la peine d’espérer un peu de concentration. Scolairement, c’était un désastre. Rien à voir avec un ou deux points de moyenne. Plutôt un naufrage, voire un suicide. Et toujours cette justification : ce n’est qu’un joint ou deux, de temps en temps, c’est moins grave que de fumer ou de boire… Demain, si on dépénalise ou on légalise, ce sera un désastre, évidemment.
Par ailleurs, je ne trouve pas que ce soit en ce moment la priorité des priorités. Je ne crois pas que le seul message que l’on doive envoyer à la jeunesse soit celui-là : vous n’avez pas de boulot, vous n’avez plus de professeurs, vous n’aurez pas de logement digne de ce nom pendant vos études – mais heureusement vous allez fumer tranquille. Honnêtement, en plus de mes fortes réserves liées à mon expérience d’enseignant, je trouve que ce n’est pas le sujet.
Ceci étant, il faut bien évidemment se poser la question d’un changement de politique. Le vrai débat, c’est celui qui oppose la répression et la prévention. La médiocrité des efforts de prévention est un scandale qui doit cesser. Une répression qui n’aboutit de fait à rien (puisque les consommateurs sont très rarement condamnés) entretient encore cette idée que le cannabis, ce n’est pas grave. Si la gauche doit se battre aujourd’hui sur cette question, elle doit le faire dans le sens de la prévention. Car pour être honnête, ma gauche, ce n’est ni le club des fumeurs de shit, ni le club des fumeurs de cigares.
Ben dis donc, il reste un peu réac, le petit jeune communiste qui monte ! Je pensais que les communistes avaient évolué plus intelligemment sur ces questions.
Personne n'entend nier la dangerosité du cannabis. Vous évoquez vos élèves, moi je vous parlerais du nombre de patients en HP qui "décompensent" après une consommation importante. Mais ce qu'expliquent les partisans de la dépénalisation, c'est que la prohibition empêche, justement, une prévention efficace.
Moi je rêve d'un monopole d'état (ça doit plaire à un communiste, ça ! ;-)) sur la vente et la production de cannabis. Avec des produits moins forts en THC (et non coupé à je ne sais quelle saloperie nocive), des points de vente restreints, interdiction de vente aux mineurs, limitation des quantités délivrées, contrôle médical et psychologique. Avec tout ça, on aurait les moyens d'une prévention et d'une information efficace, on casserait les trafics, et c'est l'Etat qui toucherait les sous plutôt que la mafia - pourquoi pas pour financer, enfin, un plan Marshall des banlieues digne de ce nom !
Rédigé par : Roudoudou | 10 octobre 2009 à 11:27
Salut Ian,
Pas tellement d'accord avec toi sur ce coup là. La plupart des études montrent que la légalité ou non de la consommation de cannabis n'a pas d'effet significatif sur la taille du marché.
Contrairement à ce que tu dis, je ne pense pas qu'une éventuelle légalisation conduise à un "désastre", puisqu'elle n'aurait sans doute pas d'influence sur les comportements des gens, les fumeurs continuant à fumer, et les non-fumeurs continuant à non-fumer...
Par contre, elle aurait très certainement des conséquences sur la façon de consommer, et sur la vie quotidienne des consommateurs, et pas en mal, ne serait-ce que parce qu'il n'y aurait plus cette (op)pression policière à propos du joint...
L'alternative est plutôt entre un marché souterrain, qui finance les talibans en Afghanistan ou la clique royale du Maroc, et contribue à la ghettoïsation des quartiers populaires, et un marché contrôlé, régulé, et qui rapporte de l'argent à l'Etat.
Comme les fumeurs ou les buveurs financent (en partie au moins) leurs cancers grâce aux taxes qu'il paient sur leurs cigarettes ou leurs bouteilles, une légalisation pourrait permettre de financer efficacement des campagnes de prévention intelligentes, et d'engager de véritables actions publiques, plutôt que de continuer à jouer aux tartuffes.
Rédigé par : Miki | 11 octobre 2009 à 21:42
Bonjour,
Plutôt d'accord avec l'intervention de Miki dans le présent débat. En tant que prof, je pense que ça simplifierait le dialogue avec les élèves touchés par une consommation excessive et donc néfaste, et avec leurs parents. Actuellement on est réduits à dire "c'est illégal donc c'est pas bien". Et ça ne marche pas vraiment...
Par ailleurs Ian, le PCF et toi avez retiré votre signature d'un voeu co-signé avec les Verts et le Parti de Gauche pour dénoncer la participation de la mairie de Paris au plan "1000 caméras" de vidéosurveillance dans les rues de la capitale, imposé par la Préfecture de police et, au-delà, par la droite et le président Sarkozy.
Comment justifiez-vous cette décision ?
Rédigé par : Laurent, militant Verts du 11e arrondissement | 15 octobre 2009 à 22:16
Bonjour,
J'interviens sur ce blog, pour réagir, non pas à ce billet, mais à la création de l'Association des Jeunes Elus de France. Je m'excuse à l'avance de "parasiter" votre débat sur le cannabis quoiqu'il aurait été souhaitable qu'un billet puisse être publié à ce sujet.
Je trouve pour le moins déplacé, M. Brossat, que vous puissiez non seulement rejoindre cette initative "transpartisane", mais en faire par ailleurs la promotion dans la presse. Vous souhaitez que cela serve d'instance pour "échanger des conseils"... De quelle nature peuvent-être les conseils échangés avec l'un des adjoints de Fromantin à Neuilly-sur-Seine ? La construction de sa carière politique ? la célébration d'un jeunisme dont les laudateurs ont cela de commun avec leurs aînés qu'ils cultivent le même intérêt pour leur carrière et apportent les mêmes soins à leurs petites ambitions ?
Vous dites vouloir construire une association "au-delà des courants et des partis", reprenant au passage la même rhétorique marécageuse du Modem dont les appels au consensus, au nom d'une vérité politique idéelle, sonnent comme un mépris pour les citoyens et la démocratie. Que faut-il voir dans cette adhésion à un apolitisme aussi bien assumé sinon l'expression inquiétante d'une dégénérescence notabiliaire qui brouille le message du Parti communiste ?
Rédigé par : rameau93 | 19 octobre 2009 à 12:36