Parce que l’homme politique se nourrit aussi de chiffres et de comparaisons internationales, je me suis plongé cette semaine dans le cœur du rapport « Prix et salaires 2009 » de l’UBS. C’est une lecture d’autant plus stimulante que ce rapport qui paraît tous les trois ans étudie froidement des données aussi différentes que le panier de la ménagère version loyers et denrées alimentaires, le taux d’imposition, le coût d’un véhicule privé et des transports en communs, le temps de travail, ou encore le prix d’une nuitée d’hôtel, d’un service ou d’un vêtement. Avec plus 70 villes dans le monde, l’échantillon est large, mais ce qui m’intéressait, c’était de comparer Paris et les autres villes européennes (et surtout à l’intérieur de l’UE). Ce qu’il en ressort est tout simplement effarant. Pour aller vite, Paris est une ville remarquablement chère – et les Parisiens sont notoirement mal payés. On comprend dès lors pourquoi les classes moyennes et populaires diminuent tous les ans intra-muros.
Pour couper court à une rumeur qui a fait l’essentiel des dépêches et des commentaires sur cette étude, il faut effectivement noter que selon les critères de cette étude, les Parisiens ont plus de jours de congés que les autres – qu’ils travaillent moins, dans l’absolu, s’il faut le dire tout net. 1594 heures par an pour 28 jours de congés. On a entendu les pires complaintes à ce sujet, comme si c’était honteux. Moi, je suis très heureux que certains partis et certaines organisations syndicales aient combattu pour le droit à une vie privée et familiale. Et surtout, je trouve particulièrement malhonnête de sortir ces deux chiffres de leur contexte.
Car comparons par exemple avec Copenhague (qui est globalement un tout petit peu plus chère mais avec des loyers un tout petit peu moins dispendieux). Un habitant de la capitale danoise travaille 1658 heures par an pour 24 jours de congés – la différence n’est vraiment pas abyssale (6% d’heures en plus). En revanche, il est payé en moyenne 13 euros 50 de l’heure (chiffre net) alors qu’un Parisien ne gagne que 10 euros 20. Et là, la différence est terrible : un tiers de salaire en plus !! Mais certains ne voient que ce qu’ils veulent voir, visiblement. Et pour les petits malins qui vont m’expliquer doctement que tout cela, c’est la faute de la fiscalité, je reprends mon exemple danois : à Copenhague, la fiscalité sur le travail est de 26% supérieure à Paris.
Mais rien de surprenant dans ce tableau déprimant. Il ressort de ce rapport que Paris est la 9e ville la plus chère du monde mais qu’elle n’arrive qu’en 23e position en ce qui concerne les salaires. Et compte tenu (justement) du nombre d’heures travaillées moins important, en terme de pouvoir d’achat, Paris n’est que 27e ! Vous avez dit scandaleux ? Aucune ville au Monde ne présente un tel écart entre le coût et les revenus. Dès lors, on comprend mieux les difficultés à conserver une certaine mixité sociale à Paris. L’étude des loyers et des prix à la consommation révèle que Paris est faite pour ses classes aisées. Pour se loger, mais aussi manger, s’habiller ou avoir une voiture.En revanche, en ce qui concerne les bas et les moyens salaires… Plus que jamais, nous devrons travailler pour offrir toujours plus de services publics et de facilités à tous les Parisiens – Paris pour tous, ce n’est vraiment pas gagné.
Pour les dîners en ville (sachant que les restaurants et les hôtels parisiens sont parmi les plus chers du monde), cette devinette : sachant qu’un salarié à Barcelone travaille 8 minutes pour acheter 1 kg de riz, 11 à Bruxelles, 13 à Moscou et 15 à Rio de Janeiro, combien de temps pour un Parisien ? La réponse : 20 minutes. Bon appétit.
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