Je commence à me préparer pour la Fête de l’Humanité. Samedi prochain, à 14 heures 30, sur le stand de la Fédération de Paris, j’engagerai le fer avec un autre jeune élu parisien du 18e arrondissement, mais de droite, Pierre-Yves Bournazel, sur la question de la rupture selon Sarkozy – illusion ou réalité. Bien sûr, en ce qui me concerne, il s’agit d’un énième tour de passe-passe du prestidigitateur de Neuilly-sur-Seine.
L’une des qualités paradoxales de Pierre-Yves Bournazel, c’est qu’il est de droite et qu’il l’assume. Il fait partie de cette génération de jeunes gens décomplexés que le candidat Sarkozy avait beaucoup caressée dans le sens du poil pendant la campagne. Il n’a pas le double langage de certains hiérarques de l’UMP ou du Nouveau Centre qui voudraient faire croire qu’ils ne sont plus vraiment de droite puisque la droite, la gauche… vous savez : c’est un peu pareil, tout cela, maintenant. Il ne s’agit pas de choisir entre une solution de droite ou une solution de gauche, mais de choisir la bonne solution. La politique, finalement, ce n’est que l’affrontement des gens compétents et d’imbéciles, du bon sens et de l’idéologie rassise. Reconnaissons à la droite qu’elle n’a pas inventé cette rhétorique simpliste, Tony Blair a beaucoup fait pour sa diffusion...
Bref, au moins avec Pierre-Yves Bournazel, nous ne tomberons pas dans ce panneau-là. Nous savons tous les deux quelle est notre famille politique et quel modèle de société nous voulons. Je crois que la réhabilitation de la politique passe par là – par la confrontation des idées, la possibilité d’un choix, d’une alternative qui oppose des modèles de production et la définition d’un bien-être pour tous, ou pour quelques-uns. Au moins, notre débat sera-t-il sincère et honnête. Sans doute sera-t-il sportif, aussi.
L’extrême-droite se délecte depuis longtemps du « tous pareil ». C’est un peu son chewing-gum préféré. La droite l’a adopté, ces derniers temps – ce qui n’est pas rassurant. Finalement, cela ramollit les gencives et cela nous empêche de mordre à pleines dents dans le réel. On finirait par croire que tout n’est qu’une question d’emballage pour le même paquet de lessive. Plutôt vert, plutôt rouge, plutôt bleu ? Mais ce n’est pas la réalité, ce n’est pas la politique.
La politique, c’est un choix. C’est l’analyse d’une situation, c’est un but que l’on se fixe, ce sont les chemins pour y parvenir. Il n’y a pas qu’un modèle de société, il n’y a pas qu’une seule définition du bien-être – et toutes les définitions ne se valent pas, certaines se font au détriment des autres. Toutes les sociétés ne sont pas équivalentes, certaines font le bonheur de quelques-uns à l’abri du malheur des autres. La politique, c’est un choix de société. S’il n’y a plus de choix, fermons boutique et laissons faire : pourquoi se fatiguer ?
Ces dernières années, on a brûlé beaucoup de calories et grillé beaucoup de neurones pour faire croire qu’on n’avait pas le choix. Qu’on n’avait plus le choix. C’est la fin de l’histoire, la mort de l’idéologie, c’est Bruxelles qui décide – ou alors la mondialisation. L’économie de marché est une réalité – la seule – et j’en passe. Ce genre de raisonnement creux ne tend qu’à une chose, à la mort du politique. Ou plutôt : à la victoire définitive d’une idéologie sur toutes les autres. Dire que les idéologies sont mortes, c’est affirmer que son idéologie est la seule qui vaille, la seule survivante d’une grande catastrophe. Quand on dit cela, on a beau jeu de pleurer sur les taux d’abstentions. Les dernières années l’ont pourtant prouvé : nos concitoyens savent que ce n’est pas la fin de l’histoire. Quand ils votent « non » au dernier référendum européen, ils disent « non » à une Europe libérale et rappellent qu’il existe le projet d’une Europe sociale. C’est pour elle que je me bats, c’est pour cela que je fais de la politique.
Paradoxalement, Sarkozy l’avait bien compris, il avait senti l’air du temps. Pour la première fois depuis longtemps, il a construit toute une campagne sur le mode de l’alternative. Sauf qu’il est rapidement retombé dans l’idéologie qu’il a contribué à promouvoir tout au long des années 90 : soit une bonne solution, soit une mauvaise. Et la bonne solution, c’est la mienne. La bonne solution, c’est la droite. Curieux choix que celui qu’il propose, terriblement binaire et manichéen : si vous ne votez pas pour moi, vous êtes perdu. Curieux choix, également que celui qui oppose sans arrêt ce qui n’a rien à voir. Soit on augmente le pouvoir d’achat, soit on réduit le temps de travail. C’est évidemment une fausse alternative puisqu’on évacue la possibilité de faire les deux en repensant la répartition des richesses. Le choix de Sarkozy, c’est de ne pas y toucher. C’est de faire en sorte que les riches restent riches. Et il parle de « rupture »…
La gauche n’a pas su le contredire. Elle a laissé les électeurs croire à la « rupture » selon Sarkozy. Il a pu confisquer le mot, confisquer la chose. Il a confisqué l’espoir. La gauche ne remportera la victoire qu’au prix de sa réconciliation avec l’idée d’un choix, avec l’affirmation d’une politique et d’une ambition différente de celle de la droite. La gauche a toujours porté l’idée d’une rupture, mais elle a laissé Sarkozy s’en gargariser sans rien dire. Cela ne se passera pas comme cela. Redonnons au peuple le choix de son avenir. C’est encore lui qui décide, non ?
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