Hier, dans le XVIIIe arrondissement, à la Goutte d’Or, je me fais apostropher par une mère de famille dont le fils s’est fait agresser « à quatorze heures trente », square Léon. Je suis d’accord avec elle, ce n’est pas ainsi qu’on envisage les parcs et jardins de son quartier. Je lui laisse donc ma carte en lui disant de m’appeler si je peux faire quelque chose. Elle lit « Président du Groupe Communiste ». Elle relève la tête : « Communiste ? Alors pour vous, il est interdit d’interdire ? » Après une bonne nuit de réflexion, j’infirme cette proposition : il n’est pas interdit d’interdire, bien au contraire.
La sécurité est un droit. C’est pour moi aussi important que de s’interroger sur l’origine de la violence ou de la délinquance. Il ne faut pas confondre les causes et les conséquences. Les unes ne cachent pas les autres. Quand – dans le XVIIIe, toujours, il y a quelques semaines – on incendie un commerce solidaire, j’attends qu’on punisse l’incendiaire, évidemment. Une peine proportionnée, adaptée au délit, qui n’exonère pas de la réflexion sur ses causes. La gauche n’a jamais été permissive, c’est une réputation que lui a faite la droite. Les libertaires sont sur ce point très en rupture avec l’histoire de la gauche.
En fait, quand la droite accuse la gauche d’être permissive, elle s’exonère de toute responsabilité. Pour aller vite, si les chiffres de la délinquance progressent, ce serait la faute de 1968. Bien sûr, la permissivité de principe m’exaspère, mais elle n’est pas seule responsable de la situation actuelle. Les libéraux ont autant de choses à se reprocher que les libertaires. Quand on fait de l’argent le seul étalon de la réussite sociale, quand on promeut l’enrichissement personnel comme seul but de l’humanité, on prépare indéniablement le terrain du nivellement des valeurs et de la confusion des genres. Au coin de la rue, le dealer « fait son petit commerce », « son business ». L’idéologie libérale ne lui reproche pas son but, elle ne lui conteste que ses moyens. Et encore : on voit bien comment on condamne aujourd’hui les criminels en col blanc. Leur seule faute serait de s’être laissé prendre. Tout se vaut quand tout se vend et tout s’achète. C’est la loi du fric-roi que l’on paye.
Je suis enseignant. J’ai enseigné à Sarcelles. Je mesure tous les jours les dégâts de l’idéologie libérale et du relativisme. Je mesure aussi l’importance de la présence humaine et le besoin d’humanité. Le pire est d’abandonner ceux qui ont besoin de nous. Policiers, professionnels de la santé, travailleurs sociaux, enseignants, victimes, délinquants, toxicomanes, criminels : nous faisons tous partie d’une même société humaine.
Ce que je reproche à la politique sécuritaire du gouvernement, c’est de mépriser le « vivre ensemble ». C’est d’installer des dispositifs de caméras de surveillance et de se moquer de la police de proximité, par exemple. Un rapport de l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité, publié en juillet 2008, rappelle à ce propos que les caméras seules ne règlent en rien les problèmes d’insécurité. Que leur multiplication est illusoire et dérisoire. Sans présence humaine, sans personnel bien formé, elles sont inutiles et absurdes.
Jamais sans les hommes. Une politique de sécurité sans les hommes est une politique inhumaine. Elle abîme le contrat social et elle tue l’espoir. Le remplissage insensé des prisons ne s’explique pas par la faillite des politiques de prévention, elle s’explique par leur abandon. Si on les abandonne, on a beau jeu de les accuser. Remplir les prisons ne résoudra rien. La droite continue à le faire, pourtant. Elle persiste même quand elle supprime les crédits des associations et démantèle les dispositifs de préventions, jour après jour…
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