Tout le monde ne parle plus que de cela. Et à la différence d’autres affaires célèbres dans l’opinion publique, la fameuse crise de l’Equipe de France met à peu près tout le monde d’accord. Cette unanimité bruyante contamine jusqu’aux hommes politiques qui en rajoutent. Nicolas Sarkozy n’y échappe pas même s’il est plus discret que d’autres – et pour cause : pendant ce temps, il s’occupe d’achever notre système de retraites. C’est l’avantage de la diversion. Moi qui ne suis pas un grand amateur de football, une chose me frappe, c’est la politisation de cette affaire – qui n’est pas illégitime, il est vrai.
Hier, dans le Journal du Dimanche, Alain Finkelkraut a résumé un avis partagé par un grand nombre de commentateurs : l’Equipe de France est divisée en clans selon les origines sociales, ethniques ou religieuses. Cette équipe représente une France divisée quand celle de 98, « Black, blanc, beur » comme on disait à l’époque, était à l’image d’une société unie (ou tâchant de l’être). Finkelkraut soutient la vision très discriminante d’un groupe de joueurs terrorisé par des caïds des cités (Anelka ou Ribéry) à qui un staff incompétent aurait laissé les clés. Pour le dire autrement, il stigmatise les barbares ou les sauvages que notre bonne société n’a pas réussi à bien élever et à intégrer.
Comme toutes les interprétations malhonnêtes, elle a l’avantage d’une fausse simplicité qui fonctionne par raccourcis et par pétitions de principes. Elle sert une idéologie répétée jusqu’à l’écoeurement par un Finkelkraut obsédé. Le bien public, l’ordre, se résume pour lui à des questions d’éducations bâclées, à une civilité (ou à un civisme) illusoire. Ceux qui brûlent des voitures ont mis le feu à l’Equipe de France, pourrait-on dire. Ils n’ont certainement pas été assez souvent en retenue et n’ont pas été assez enguirlandés par leurs parents. Avec un peu de malchance et de suite dans les idées, il se trouvera bien quelqu’un pour proposer qu’on suspende rétroactivement les allocations familiales de leurs parents.
En tant que spectateur (de loin) de ces événements sportifs, c’est une autre conclusion qui me saute aux yeux. S’il est tentant de voir en l’Equipe de France le miroir de notre société, comme le dit Finkelkraut, ce n’est pas celle (fantasmée) des émeutes qui me saute aux yeux. Au contraire, ce que je regarde, c’est justement la France de Sarkozy. Ce n’est pas le respect ou la politesse qui pose problème, c’est la morale. L’idéologie.
La génération qui a fait le voyage en Afrique du Sud est la première à avoir grandi dans le monde du sport business, partant très tôt à l’étranger gagner beaucoup d’argent, sponsorisés avant d’avoir prouvé quoi que ce soit. Plus panneaux publicitaires qu’athlètes, pour résumer, ce que ne désavoueraient ni Adolphe Thiers (« enrichissez-vous »), ni Nicolas Sarkozy (« travailler plus pour gagner plus »). Dans la France de l’UMP, ces jeunes gens n’ont pas tort. Ils respectent tous les dogmes de la modernité selon Nicolas Sarkozy. Ce sont des individualistes, obsédés par le complot et l’insulte, incapables de voir plus loin que le court terme et l’émotion immédiate. Entre eux, ce n’est pas une guerre, c’est une cour de récréation. Après 2007 et son cortège d’agressions contre notre système social, contre les plus fragiles et contre la solidarité, l’histoire se répète sur le mode de la farce, voilà tout.
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