Aujourd'hui, dans l'Humanité, ma critique d'un livre intéressant - et en même temps, quelques petits détails me chifonnent et me font réfléchir... Bref, il s'agit de L'Art des séries télés de Vincent Colonna chez Payot... Voilà ce que j'en dis :
Le plus troublant avec ce livre, c’est qu’il demeure stimulant alors que sa conclusion se devine de très loin – comme une bonne série télévisée. De fait, dans l’analyse des structures et de modèles communs à la littérature et à télévision, Vincent Colonna tombe juste. Quand il pointe du doigt la timidité d’une fiction française très conservatrice, et le complexe hexagonal d’un petit écran écrasé par le grand, on ne peut que lui donner raison. De même, en ce qui concerne son étude des personnages, du milieu, de l’action et des séquences de la série américaine contemporaine : l’argumentation est solide, la référence, précise. Certains chapitres sont passionnants, même si le lecteur n’est pas narratologue façon Gérard Genette.
Le sous-titre (« ou comment surpasser les Américains ») est cependant équivoque. Car s’il s’agit à l’évidence d’une provocation, qui joue sur l’idée classique en littérature d’imiter un modèle pour le dépasser, l’exercice d’admiration de la fiction américaine ne va pas sans un certain dénigrement systématique du reste, et des lacunes assez surprenantes. Très complet en ce qui concerne les séries policières (et ses dérivés) et médicales, L’art des séries télés passe cependant en grande partie sous silence d’autres traditions télévisuelles anciennes et fécondes comme le Western, la science-fiction ou la sitcom.
En se limitant aux éléments du récit télévisuel et en opposant télévision et cinéma, Vincent Colonna semble empêché d’évoquer certains aspects cinématographiques des séries, voire certaines productions et certains genres marqués par le septième art. L’influence de la science-fiction et du fantastique (de La quatrième dimension et des envahisseurs, à X-Files, Buffy contre les vampires ou Battlestar Galactica) n’est pas mince, pourtant, mais se confond avec la série B de cinéma. De même, au moment de décortiquer (avec brio) Deadwood, l’auteur se limite aux personnages, sans revenir sur la dette cette production à l’égard des westerns tardifs, voire sa correspondance ambiguë avec les films de Sam Peckinpah.
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