Tribune publiée ce jour sur le site du Monde
L’une après l’autre, les rues de Paris s’éteignent, se taisent, s’endorment. Depuis plusieurs années, les principaux lieux de vie nocturne de la capitale sont en difficulté. Qu’on soit Parisien, touriste ou Persan, on ne peut pas prétendre le contraire. Il suffit de se promener dans la ville à l’heure où passent les derniers métros. Les grands déserts architecturaux de la nuit s’étendent. Ils s’attaquent à des quartiers festifs depuis toujours comme le Marais, Pigalle ou Bastille. Les fermetures administratives se multiplient, les petits commerces ferment, des centaines d’emplois disparaissent.
Les sceptiques comparent Paris à Londres ou à Berlin pour dire que tout ne va pas si mal et que tout s’explique : si la fête londonienne ou berlinoise prend le pas sur la parisienne, c’est une question de territoire et de taille. Paris est beaucoup moins étendu. Argument imparable mais un peu court. Qui ne dit pas pourquoi le nombre d’établissements de nuit diminue à Paris – et pourquoi il augmente à Londres ou à Berlin. Certaines villes ne dorment jamais, d’autres baissent le rideau à une heure du matin. Ne pas voir que Paris appartient désormais à cette dernière catégorie relève au mieux de l’ignorance, au pire de la mauvaise foi.
Depuis plusieurs semaines, les salariés de l’une des principales boites de nuits parisiennes se mobilisent. La Locomotive, près de la place Blanche, est en train de mourir. Elle va devenir le musée et le restaurant du Moulin Rouge, la moitié de ses emplois est condamnée. Tout un symbole. Car c’est de notre conception même de la ville dont il s’agit. Paris ne se lève pas à 7 heures, ne se couche pas à minuit. Il y a une ville de jour, une ville de nuit, l’une n’existe pas sans l’autre. Si la nuit se tait aujourd’hui, c’est qu’on la fait taire.
Que certains se rassurent, néanmoins : le bonnet de nuit n’est pour tout le monde. Selon un mouvement vénitien qui fera bientôt de « Nuit Blanche » son ultime carnaval, Paris se transforme d’une part en musée et d’autre part en club privé. On veut fermer La Locomotive, boite de nuit destinée à un public jeune, de tout horizon et de toute origine, et les lieux de création musicale sont sur la sellette. En revanche, rien ni personne ne menace les soirées et le public « choisi » des quartiers les plus chics, car il s’agit en vérité d’une uniformisation et d’une discrimination sociale qui ne dit pas son nom.
Beaucoup d’établissements de nuits étaient des lieux de création et des diffuseurs de culture. De toutes les cultures. Malheureusement, la réglementation actuelle impose des normes en complet décalage avec ce qui s’y passe. Ainsi, dans nombre de cafés-concerts, il faut se méfier car il est interdit de danser. La Préfecture de Police est impitoyable. Menacés de fermeture, un grand nombre de lieux n’ont aujourd’hui d’autre choix que de mettre la clé sous la porte ou d’entreprendre des démarches et des travaux, dont la lourdeur et la complexité les condamnent presque à coup sûr. A moins, encore une fois, d’en avoir les moyens. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde.
Récemment, les acteurs du Paris nocturne se sont réunis pour lancer une pétition aux pouvoirs publics – et tenter de concilier la tranquillité des uns avec l’activité des autres. Ils invitent à clarifier la législation et la réglementation en vigueur, mais demandent aussi le soutien de l’Etat et des Collectivités Locales. Tous les Parisiens sont concernés, les riverains comme les noctambules, ou les amateurs de musique. Pour leur répondre, j’ai proposé au Conseil de Paris d’organiser avec eux des Etats Généraux de la Nuit. Nous en voterons la semaine prochaine le financement dans le cadre du budget 2010 de la ville.
La métropole contemporaine est sur la défensive. Les quartiers ont tendance à se refermer sur eux-mêmes. Au lieu du vivre ensemble, nous choisissons l’entre soi. Dans une tribune parue dans Le Monde daté du 10 décembre, David Alphand, Conseiller UMP du 16e arrondissement, s’en réjouit. Il appelle cela « le charme des identités microlocales ». Une « fête de village ». Je ne partage pas son enthousiasme car je ne confonds pas les différences et les nuisances. C’est une chance pour Paris que le monde entier vienne y passer la nuit – et se mélanger. C’est une richesse. La nuit est un moment de démocratie et de liberté. Aller vers l’autre, rester chez soi, nous avons le choix, et c’est très bien. En espérant qu’il en soit toujours de même la semaine prochaine.
Moi j'aimerais bien pouvoir dormir tranquillement! Surtout avec le loyer exorbitant que je paye! Mais depuis que Delanoë et Mano ont racheté mon immeuble pour le transformer en HLM, je vis l'enfer! C'est la discothèque à domicile tous les soirs! Bien entendu, ils ne font rien pour que cela cesse et se lavent les mains de ces acquisitions sauvages qui se font au détriment des occupants existants. Merci la gauche!
Rédigé par : Medhi | 02 janvier 2010 à 15:54