Signe des temps, les conditions d’interpellation de l’ancien directeur de publication de Libération, Vittorio de Filippis, ont été particulièrement musclées et révoltantes. Signe des temps, en effet, puisque dans le même temps se déroulent les « Etats Généraux de la Presse » voulus par Nicolas Sarkozy. On pourrait croire à un malheureux et maladroit incident, à une bavure, mais à l’évidence, la main droite sait très bien ce que fait la main gauche – et à chaque fois que l’on voit la carotte, il faut se demander où est le bâton. En admettant l’indépendance de la justice (un regret pour certains, visiblement), il n’en reste pas moins de curieuses collusions, d’étranges intentions et de saisissants conflits d’intérêts. Quoi qu’il en soit, pour la presse en France, le climat est à l’orage.
On savait depuis longtemps que la situation économique de la presse, et en particulier de la presse écrite, n’était pas brillante. Ce qui est nouveau, c’est qu’on menace de plus en plus ouvertement sa liberté d’informer et sa liberté d’écrire. Il y a un faisceau particulièrement malvenu de circonstances inquiétantes. On peut s’amuser des articles de complaisance, de l’amitié de Nicolas Sarkozy avec certains des plus grands patrons de presse de ce pays, d’une hagiographie en direct et en couleur qui inonde les écrans et les kiosques… Mais il faudrait quand même s’interroger aussi sur la singulière reprise en main du service public de l’audiovisuel par le pouvoir, sur les déclarations intempestives d’un certain porte-parole de l’UMP qui trouve que l’AFP ne reprend pas assez les communiqués de son parti, sur les poursuites engagés contre ceux qui brocardent le chef de l’Etat, sur les perquisitions et les mises en examen de journalistes qui ne font que leur travail – pour reprendre une formule consacrée. A l’évidence, la liberté d’informer n’a pas été aussi menacée depuis de nombreuses années… Signe des temps ? Le temps a bon dos.
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