Claude Guéant n’en est pas à son coup d’essai. Le gouvernement non plus, d’ailleurs. Son art de l’amalgame nauséabond, il le peaufine depuis quelques années déjà. Hier, la charge du ministre de l’Intérieur contre la « délinquance roumaine » avait un petit air de déjà-entendu. Ce qui est neuf, en revanche, c’est la manière dont il recycle une vieille mesure comme le décret anti-mendicité. Une mesure médiévale, ou quasi, qu’on a déjà appliqué en France, à de maintes reprises, sans aucune démonstration d’efficacité – mais toujours, en revanche, avec une bonne dose de discrimination et de stigmatisation. Mais c’est ainsi. Et dès cette semaine, semble-t-il, un arrêté sera pris pour interdire la mendicité sur les Champs-Élysées. La plus belle avenue du monde : sans pauvreté, sans misère, sans ombre au tableau.
Certes, ce retour de la « délinquance roumaine » à quelques mois d’échéances électorales qui s’annoncent très difficiles pour le gouvernement et l’UMP peut faire sourire. Malheureusement, il confirme aussi ce que l’on savait depuis la campagne consternante menée contre les Roms et les gens du voyage à l’été 2010 : le bouc émissaire est son ultime recours. Cette logique symbolique est particulièrement indigne. C’est une politique du symptôme et de la poudre aux yeux, qui cache mal les échecs de la politique gouvernementale de sécurité et de lutte contre la pauvreté. Trop de misère : il faut la balayer sous le tapis. Les policiers parisiens sont de moins en moins nombreux, et ils se plaignent d’avoir de moins en moins de moyens ? Ils n’en ont pas besoin pour chasser les gueux sur les Champs-Élysées. Après tout, on le faisait déjà au Moyen-Âge… On brûlait des sorcières, aussi.
Le gouvernement est vraiment tombé bien bas. Il se moque tout à fait de la détresse de ces « délinquants roumains », dont de nombreux enfants exploités, souvent prisonniers de réseaux maffieux. La misère qui pousse aujourd’hui des milliers de personnes à mendier pour survivre, il ne la voit pas, il ne s’en occupe pas – sauf si cela fait tache entre l’Arc de Triomphe et la Concorde. Sur l’une des avenues les plus chères au monde, au moment de la pire crise du logement à Paris de l’histoire, cette histoire est sordide. On remarquera que dans toute une partie de l’Europe, cependant, des initiatives semblables sont prises. A Londres, depuis plusieurs années, les SDF et les mendiants sont chassés du centre de la ville. En France, on rajoute la stigmatisation – mais sinon, l’ambition est la même : faire place nette. Certains pourront ainsi aller dîner au Fouquet’s tranquille.
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