Edvige aurait pu être une vieille grand-mère sympathique et indigne, fumant des cigarillos et parlant mal pendant les dîners de famille. Mamie aurait jeté ses pensées cruelles sur les pages raturées d’un petit carnet noir. Malheureusement Edvige (Exploitation Documentaire et Valorisation de l’Information GEnérale) est un fichier. Je préférais la grand-mère. Dommage
Nous étions fichés de toute façon. La plupart des personnes visées par Edvige, « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif », ont déjà leur petit bristol dans un tiroir, quelque part. De manière générale, nous vivons dans une société informatique qui consigne sur des milliers de disques durs une partie de nos existences : nos dépenses, déplacements, par exemple – et je ne parle même pas de ceux qui ont un blog ou une page Facebook comme moi, ici . L’arrière-goût de tout cela n’est pas très réjouissant, mais la CNIL veille et la loi encadre l’utilisation de ces informations.
Comme dans les mauvais romans de gare – et dans certains régimes très peu démocratiques – on m’opposera de toute façon que si je n’ai rien à me reprocher, je m’en lave les mains (qui sont déjà propres, forcément). Ben voyons. Vous n’avez rien à cacher ? Circulez.
Ce n’est pas si simple. Le gouvernement nous a habitué au mélange des genres mais là, ce n’est plus un mélange, c’est un bouillon. Je vous laisse deviner qui boit la tasse. Le but de ce fichier est de recenser les personnes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public, en dehors du cadre des procédures judiciaires. Nous sommes définitivement dans le fantasme. Gouverner, c’est prévoir – mais qui a parlé de boule de cristal ? « Susceptibles » ? Je me demande qui sont les experts du susceptible. On croirait X-Files (encore une histoire de dossiers, tiens). Je ne savais pas que les responsables politiques ou les leaders syndicaux étaient susceptibles de troubler l’ordre public. Il faudra que je me méfie de moi-même. Je ne savais pas non plus que mon orientation sexuelle ou ma situation familiale avaient un quelconque rapport avec l’ordre public. Il faudra que j’en parle à mes proches, au cas où… J’étais bien ignorant avant Edvige… Il paraît qu’on peut même présumer de la dangerosité des mineurs sans infraction, dès l’âge de treize ans. C’est pratique, il faut le reconnaître. On ne pourrait pas les mettre en prison avant qu’ils commettent des délits ? Ce serait encore plus pratique. S’ils portent des casquettes et des piercings, quel est leur indice de dangerosité, chère Edvige ? Tu fiches bien les gothiques, aussi, non ? Je me demande si je n’ai pas peur du noir.
Je regrette, Edvige, que tu ne fasses rien avant treize ans : les enfants sont cruels et ils font de méchantes farces.
Bref. Ces derniers jours, les appels contre Edvige se sont multipliés. Il y a tellement d’arguments que le silence du gouvernement en devient stupéfiant. Je suppose qu’il prend des notes. Edvige est déjà en train de lire ce blog au moment où je l’écris. Pardon : Edvige était déjà au courant depuis longtemps, avant même que je ne commence ce blog – avant même que je n’en ai l’idée.
Depuis longtemps, je suis susceptible de troubler l’ordre public.
EDVIGE a de parents et grand-parents!. C'est une pièce d'un dispositif global, cher aux maîtres atlantistes dont notre Présiden est l'un de partisans.
Voici un lien avec plus d'infos:
http://lettre-l.blogspot.com/
Victor
Rédigé par : Victor Sandoval | 05 septembre 2008 à 15:10